Des ingénieur·e·s unissent leurs forces
au NCC.

Au Centre National de Contrôle d’Elia, les System Engineers, les Close-to-realtime Engineers et les Market Engineers surveillent le réseau de transport d’électricité jour et nuit. Chacun·e a une tâche spécifique ; ensemble, ils et elles veillent à ce que les lumières restent allumées en Belgique, et même en Europe.

Bonjour Patrick, pourquoi as-tu choisi cet objet ?

Au NCC à Schaerbeek, les dispatchers surveillent le réseau de transport d’électricité jour et nuit. Ils et elles maintiennent en permanence l’équilibre entre la production et la consommation, et veillent à ce que le réseau ne soit jamais surchargé. Cela peut sembler simple, mais en réalité, c’est assez complexe. Avec l’essor des énergies renouvelables, difficiles à prévoir et nécessitant beaucoup de nouvelles infrastructures, le travail ne fait que gagner en complexité.

C’est pourquoi, ces dernières années, de nombreux nouveaux dispatchers ont été recrutés pour le NCC, et leur travail a été réparti en trois fonctions : celle de Market Engineer, de Close-to-realtime (C2RT) Engineer et de System Engineer. Les trois types de dispatchers travaillent 24 heures sur 24, en trois équipes successives. Ainsi, il y a en permanence un Market Engineer, un C2RT Engineer et un System Engineer présents au NCC.

Production et consommation en équilibre

« Pour maintenir notre système en équilibre, il faut avant tout que la production et la consommation soient parfaitement coordonnées », explique Thibault Tilquin. « Nous, les Market Engineers, surveillons cet équilibre en temps réel. Pour cela, nous sommes en contact avec les Balance Responsible Parties (BRP) et les Balancing Service Providers (BSP). Il peut s’agir de fournisseurs et de négociants d’énergie, ainsi que de grands consommateurs. En principe, ils maintiennent leur portefeuille en équilibre sur la base des prévisions de consommation et de production. »

Mais supposons qu’il fasse plus froid que d’habitude et que beaucoup de personnes augmentent un peu leur chauffage, ou qu’il y ait soudainement beaucoup plus de soleil et de vent que prévu : dans la réalité, un déséquilibre peut alors apparaître. Si un déséquilibre survient, nous faisons appel à des produits d’équilibrage. Il s’agit de services correctifs, fournis par des entreprises ou des centrales capables d’augmenter ou de diminuer rapidement leur consommation ou leur production.

En cas de petit déficit, les produits de réglage automatiques entrent en action. En cas de grande déviation, par exemple lorsqu’une centrale au gaz tombe en panne, nous activons manuellement une capacité de réserve (voir encadré). Nous demandons alors aux BSP d’augmenter ou de diminuer leur production. L’étape suivante consiste à échanger de l’énergie avec nos pays voisins. En cas d’incidents majeurs, nous déclenchons des procédures d’urgence. Notre mission est de résoudre les déséquilibres de la manière la plus efficace et la moins coûteuse possible.

Analyses préparatoires du réseau

Outre l’équilibre entre l’offre et la demande, l’infrastructure par laquelle l’électricité circule – le réseau de transport – est également essentielle. Le ou la System Engineer surveille le réseau en temps réel, tandis que le ou la C2RT Engineer analyse la situation à l’avance.

« Nous effectuons notre première analyse à J-2, soit deux jours avant la situation en temps réel, afin de permettre le couplage des marchés européens day-ahead. Ces fichiers sont essentiels pour garantir une allocation optimale des ressources énergétiques et assurer des prix compétitifs sur le marché européen », explique Morgane Rasneur, Close-to-realtime Engineer. « Quelle quantité d’électricité circulera par quels tracés ? Les éoliennes produiront-elles beaucoup ? Quels travaux de maintenance sont prévus ? »

Dès que le couplage de marché en D-1 est terminé, nous élaborons une prévision du réseau pour D 0, basée sur les nominations issues du marché day-ahead, les prévisions météorologiques, les profils de charge anticipés et le Common Grid Model – qui offre une vision du réseau européen à haute tension. Nous essayons alors déjà de résoudre d’éventuels problèmes en identifiant les risques de congestion et de surcharge sur le réseau belge, tout en collaborant avec les gestionnaires de réseau voisins. Le réseau doit, en outre, être conforme au critère N-1 : il doit continuer à fonctionner, même si un élément venait à tomber en panne de manière inattendue.

Comme le réseau évolue en permanence, le modèle est réanalysé chaque heure du jour J sur base des informations les plus récentes reçues. Cela permet d’offrir l’image la plus réaliste possible aux collègues System Engineers, qui continueront à surveiller le réseau en temps réel.

 

Surveillance du réseau en temps réel

« En tant que System Engineers, nous surveillons en temps réel trois paramètres », explique Gilles Daems. « Tout d’abord, la tension sur le réseau. Le soir, lorsque de nombreuses personnes cuisinent, regardent la télévision, écoutent la radio… la tension diminue. Le week-end, quand la consommation industrielle baisse, elle augmente. Nous essayons de maintenir cette tension constante. »

« Nous surveillons également le flux, les courants. Ceux-ci ne doivent jamais dépasser une certaine limite. Ce qui rend l’électricité particulière, c’est qu’il est difficile de l’entreposer, contrairement à des sources d’énergie comme le gaz. L’électricité doit toujours pouvoir circuler. Le flux cherche toujours le chemin le plus rapide. La seule chose que nous pouvons faire, c’est adapter ce chemin, par exemple en utilisant des transformateurs à déphasage ou en déconnectant certaines liaisons dans les postes. Un troisième paramètre que nous surveillons est la puissance de court-circuit : c’est la puissance qui permet aux protections de réagir le plus rapidement possible en cas de court-circuit. Ce paramètre indique la stabilité du réseau à un endroit donné. »

Outre la surveillance de ces paramètres, nous intervenons aussi lorsqu’il se passe quelque chose. Par exemple, si une grue heurte un câble, le réseau ne doit pas être surchargé. Sinon, un effet boule de neige peut se produire. En 2006, les choses se sont mal passées lorsqu’un paquebot a navigué sous une ligne à haute tension en Allemagne. Un court-circuit a mis cette ligne hors service, ce qui a surchargé une autre ligne, qui s’est également désactivée automatiquement. Au final, une grande partie de l’Europe s’est retrouvée sans électricité pendant deux heures .

Parfois, nous devons prendre des mesures impopulaires, comme interrompre de façon inattendue un entretien prévu. Mais si nous demandons cela, c’est toujours pour de bonnes raisons. Nous ne voulons pas risquer de priver notre pays, ni même l’Europe, d’électricité !

Collaborer pour la sécurité

Travailler au NCC est-ce stressant, avec toute cette responsabilité ? « C’est vrai, mais j’aime aussi l’adrénaline que procure la nécessité de trouver une solution rapidement, » explique Thibault. « Et puis, nous ne sommes pas seuls. Tous les dispatchers travaillent en étroite collaboration. »

Gilles : « Nous partageons nos connaissances, chacun·e à partir de nos propres expériences. Nous avons tous et toutes notre tâche spécifique, mais ce n’est qu’en unissant nos forces que nous pouvons garantir la sécurité du réseau. Nous ne nous concertons pas seulement en cas de problème, même lors des moments plus calmes, nous échangeons beaucoup. À propos du travail, mais aussi sur des sujets plus généraux. Il nous arrive même de cuisiner ensemble. Cette bonne ambiance est vraiment un grand atout pour moi. »

Morgane : « Nous sommes une équipe assez jeune, et il n’y a pas vraiment d’ambiance de bureau ici. Le temps passe à toute vitesse. Je ne regarde jamais ma montre, ou seulement pour me dire : oups, il est déjà si tard ? Ce qui rend ce travail aussi intéressant, c’est que tu es très proche du concret, de la réalité. S’il y a un métier qui te permet de découvrir de fond en comble le fonctionnement d’Elia, c’est bien celui de dispatcher. »